Mali-Mauritanie : Les prémices d’une crise

Publié le par Abou Mélika

Les rapports entre la Mauritanie et le Mali sont à nouveau très tendus. Il ne s’agit plus ici de s’interroger sur les répercussions, sur le Mali, de l’engagement militaire de la Mauritanie, sur le territoire malien, il y a un peu plus d’un an, pour donner la chasse aux salafistes d’Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) mais de voir jusqu’où peut mener la réponse que Nouakchott donnera à ce qui est désormais connu sous le nom de la « tuerie de Diabali », massacre qui a entrainé la mort de 16 prédicateurs musulmans dont 12 mauritaniens.

Au-delà des protestations officielles du gouvernement mauritanien – et officieuses - de certains partis politiques qui voient un cette tuerie un acte prémédité, accompli de sang froid comme pour dire que tout le mal « islamiste » que connait le Mali présentement, avec l’occupation d’une bonne partie de son territoire vient de là, ce qu’il faut craindre maintenant c’est la réaction des mauritaniens à ce qui peut être considéré comme un acte de provocation. Et, déjà, à Fassala, ville qui compte 9 ressortissants sur les 16 tués, les proches des victimes réclament vengeance, avec risque fort d’entraîner dans leur sillage d’autres manifestations, dans diverses régions du pays. On ne sera pas alors loin de revivre les affres de la crise d’avril 89 entre la Mauritanie et le Sénégal, qui avait, elle aussi, commencé avec des incidents similaires.  

La retenue actuelle du pouvoir mauritanien ne doit pas être assimilée à une attitude de laisser-aller vis-à-vis d’un acte hallucinant commis par une armée au bout de ses nerfs, tant elle a accumulé frustration sur frustration. On pouvait comprendre qu’il s’agisse d’une bavure si, dans la nuit du samedi 8 au dimanche 9 septembre 2012, à Diabali, région de Ségou, des éléments de l’armée malienne arraisonnant un véhicule de prédicateurs musulmans (mauritaniens et maliens), n’avaient pas eu le temps d’identifier ces passagers, peu ordinaires il est vrai, de les interroger sur leur parcours et de s’assurer qu’il ne s’agit nullement d’éléments des groupes islamistes armés qui occupent le nord Mali depuis plusieurs mois. Résultat de cette opération qui, cette fois-ci, n’avait rien d’un contrôle de routine : seize morts. 

Le Mali aura donc du mal à justifier le geste inconsidéré de son armé qui n’a rien pu faire contre l’occupation de l’Azawad et qui s’en prend, avec légèreté, à de simples voyageurs.  Car constat aura été fait, jusqu’à preuve du contraire, que les occupants du car n’étaient rien d’autres que des prédicateurs musulmans en partance pour une rencontre à Bamako. Certes, il s’agissait, dit-on, de membres d’une confrérie islamique dénommée Dawa et qualifiée par certains de secte mais, quelle que soit l’appellation retenue, il s’agit d’un courant reconnu à travers le monde, y compris aux Etats-Unis, comme pacifiste et ne se mêlant pas de politique. 

Les regrets suffisent-ils ?

Le gouvernement malien a regretté «vivement ce douloureux événement», même si, au dire de ses forces de sécurité, les soldats auraient déclenché la fusillade par suite du refus d’obtempérer des occupants du véhicule. Bien des zones d’ombre subsistent encore sur cette affaire, et l’on comprend pourquoi tant à Bamako qu’à Nouakchott, l’urgence d’une enquête se soit imposée. 

Pour le président Ould Abdel Aziz et son gouvernement, il ne faut surtout pas faire preuve de faiblesse, après avoir montré ses élans guerriers, en menant des opérations préventives contre AQMI, sur le territoire malien, et, dit-on, sans le consentement express de Bamako. Certainement que cette bavure ne doit pas entrainer les deux pays au bord de la guerre, même limitée et circonscrite dans le temps et dans l’espace, mais il est certain que Bamako doit aller beaucoup plus loin que l’enquête qui est menée actuellement au niveau de Diabali, lieu du drame, pour poursuivre en justice les auteurs de la tuerie ; surtout s’il est prouvé qu’il s’agit d’un acte gratuit, pour ne pas dire d’un acte de folie dont les conséquences fâcheuses sur les relations entre le Mali et la Mauritanie n’ont pas été mesurées. 

Le Mali a suffisamment de problèmes avec l’occupation d’une bonne partie de son territoire par des salafistes surarmés qu’il n’a pas besoin d’en rajouter en créant des tensions avec ses voisins. Déjà, le refus d’accepter sur son sol des militaires de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) n’est pas la bonne voie pour faire face à la situation créée par la partition du Mali et s’il faut maintenant entrer en conflit ouvert avec la Mauritanie il va falloir à Bamako avoir plus de « ressources » pour tenir. Surtout que le Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) et Ançar Edine sont venus apporter leurs « contributions » à cette nouvelle crise, en annonçant que le geste de cette armée de « mécréants » ne va pas rester impuni. 

C’est dire en un mot que le massacre de Diabali est venu quelque peu ternir les relations entre la Mauritanie et le Mali à un moment où, plus que jamais, Bamako a besoin de la solidarité de tous les pays dits du champ (Algérie, Niger, Mauritanie) pour vaincre les groupes islamistes qui ont solidement assuré leur emprise sur le nord Mali. Sans l’appui de ces pays, de la CEDEAO, de la France et des USA, on voit mal comment l’armée malienne régulière sortie émouchée de l’épreuve des affrontements entre bérets rouges de l’ancienne garde présidentielle d’ATT et bérets verts du camp de Kati, QG du capitaine Sanogo, peut envisager la reconquête du Nord.

MOMS

 

Publié dans Africaines

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