Guerre contre le terrorisme : Quels efforts pour quels résultats ?

Publié le par Abou Mélika

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La Mauritanie est, véritablement, au centre de ce qui est, réellement, une guerre contre le terrorisme dans cette vaste zone sahélo-saharienne. Cette vérité générale se dégage, de jour en jour, non seulement par la présence de l’armée mauritanienne sur les lignes avancées de cette lutte (la frontière nord-est avec le Mali) mais aussi par l’implication de salafistes mauritaniens dans des évènements liés aux terrorismes et survenant, avec une régularité inquiétante, dans d’autres pays de la sous-région.

Il y a quelques jours, les autorités nigériennes ont annoncé l’arrestation d’un mauritanien membre d’Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI). Ce mauritanien arrêté loin des bases arrière d’AQMI, portant le nom de guerre de Jellal Ed-Dine et répondant au nom de Weïnan Ould Youssef, est peut-être l’une des preuves recherchée qu’AQMI cherche à étendre ses tentacules un peu partout. Même si les autorités nigériennes expliquent que Jellal Ed-Dine cherchait, à pénétrer, sous un nom d’emprunt, sur le territoire algérien, pour se faire soigner, la recrudescence des opérations terroristes au Nigeria (le plus grand pays d’Afrique, du point de vue démographique) où Boko Haram passe de statut de secte islamiste à celui de branche ouest-africaine d’AQMI, inquiète les pays occidentaux.

Cette évolution du choix stratégique d’AQMI, visant à déplacer le niveau de pression sur l’ensemble des Etats de la sous-région du triangle Algérie-Mali-Mauritanie vers d’autres pays comme le Niger, le Nigéria et le Tchad n’est peut-être pas sans rapport avec la nouvelle situation en Libye. La disparition du colonel Kadhafi que d’aucuns considéraient comme le véritable « Guide » des organisations terroristes et de trafics de toutes sortes, crée une sorte de vide qu’Al Qaeda cherchera, par tous les moyens, à combler. Et pour parer à cette menace, les Occidentaux, la France en premier, cherchent à organiser la riposte, non pas en poussant la Mauritanie à aller seule sur le front mais en insufflant une sorte de coopération et de coordination au niveau de tous les pays de la zone. Ainsi, le Niger, qui a accueilli sur son sol beaucoup de proches de Kadhafi (personnalités politiques et anciens gradés de l’armée) doit aussi faire face, comme le Mali, au retour de centaines de combattants touaregs fuyant la « répression » des insurgés libyens. Ces Touaregs, souvent accusés, à tort ou à raison, de complicité avec AQMI, pourraient bien se démarquer du terrorisme, par le repentir, si les Etats adoptent envers eux une stratégie de containment vraiment efficiente, mais le risque de les voir s’engager, plus ouvertement, dans la voie choisie par les terroristes n’est pas aussi à exclure.

Les Occidentaux et la nouvelle donne

Le péril terroriste dans la sous-région n’a cependant pas baissé d’intensité avec la mort de Kadhafi, même si, de l’avis de bon nombre d’observateurs, Al Qaeda a toujours voulu apparaître comme une structure autonome. Cette nouvelle donne impose une nouvelle stratégie qui doit dépasser, en termes d’action et d’efficacité, l’effort de « guerre » entrepris par la Mauritanie depuis que le président Aziz a pris l’initiative d’attaquer frontalement AQMI.

C’est dans ce cadre qu’il faut peut-être inscrire la réunion que des responsables sécuritaires venant de quatre pays du Sahel (Mauritanie, Mali, Niger, Algérie) viennent de tenir, aux USA, avec des responsables américains de haut niveau des départements de la Justice, des Affaires étrangères, de la Défense, de l’intérieur ainsi que du Conseil national de la Sécurité, pour discuter de la situation sécuritaire dans la zone. Et selon ce qui a été rendu public, les discussions entre les deux parties ont surtout été centrées sur les questions de lutte contre le terrorisme, le crime organisé transfrontalier ainsi que le lien évident entre sécurité et développement. Ce dernier aspect repose la question de la réintégration des combattants touaregs de retour du front libyen et de la manière la plus appropriée de « dresser un mur de séparation » entre eux et les salafistes en quête de nouvelles recrues.

Cette réunion entre les responsables sécuritaires de pays du Sahel et leurs homologues américains doit être rééditée à Bruxelles avec les Européens.

Il faut dire que, dans le contexte de guerre larvée contre le terrorisme, la Mauritanie inscrit le renforcement de ses capacités de défense, mais aussi, d’attaque préventive contre AQMI, dans les chapitres essentiels de sa coopération bilatérale.

Ainsi, il y a quelques mois, la Chine qui monte très fort dans sa coopération avec la Mauritanie, a annoncé une aide militaire à la Mauritanie de 1,5 million de dollars à la Mauritanie pour renforcer ses capacités de défense. L’acte d’officialisation de cette aide, signé quelques jours seulement avant le départ du président Aziz pour Pékin, intervient dans un contexte de réorganisation des Forces armées mauritaniennes en vue du renforcement leurs capacités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme islamiste. Le pays possède déjà un certain nombre de matériels de construction chinoise dont 1 avion Harbin Y-12 et 2 hélicoptères Harbin Z-9.

Mais la coopération militaire la plus importante est celle que la Mauritanie entretient avec la France puissance colonisatrice revenue en force depuis l’accession au pouvoir du président Aziz.

D’aucuns disent même que ce soutien, notamment sur le plan militaire, est lié à l’implication de l’armée mauritanienne dans la lutte contre le terrorisme, même au-delà des frontières du pays. Cet aide, qui se traduit par le don en matériel (déguisé, dit-on, sous forme d’achat) revêt également un aspect formation non moins important. Le général Ghazouani, chef d’Etat-major de l’armée mauritanienne a effectué plusieurs visites, souvent sous le sceau du secret, en France.

Un détachement de fusiliers commandos de l’air français avait conduit, du 15 au 24 mars 2010, une instruction opérationnelle au profit de militaires mauritaniens chargés de la sécurité de l'aéroport international de Nouakchott. En janvier 2010, l'organe de presse de l'armée, « Akhbar Eljeich » (Les Nouvelles de l’Armée), annonçait la réception d’une dizaine de véhicules, « don de la coopération militaire française à l’armée mauritanienne. »

Enfin, les Etats-Unis fournissent aussi un soutien important au travers de l'Operation Enduring Freedom - Trans Sahara (OEF-TS. Il s'agit de l'opération militaire menée par les États-Unis et les pays partenaires dans le Sahara / Sahel de l'Afrique, comprenant des efforts de lutte contre le terrorisme et le trafic d'armes et de drogues à travers l'Afrique. Placée sous le Commandement de l’Afrique (Africom), structure de liaison et d’action mise en place par les USA pour être présent, militairement, en Afrique, cette opération est censée profiter à tout pays comme la Mauritanie impliqué directement dans la chasse aux salafistes d’AQMI. Mais faudrait-il aussi et surtout que tous ces efforts soient mis en commun (par les puissances qui aident mais aussi par les pays sous la menace directe d’AQMI) pour que la sécurité de la zone soit assurée. Certes, personne ne doute de la volonté des dirigeants de ces pays de protéger leurs peuples contre les attaques terroristes, qui surviennent sans prévenir, contre des militaires et des civils étrangers, souvent pris en otage pour être monnayés contre des rançons, mais n’empêche que les rivalités politiques et géostratégiques entre ces Etats constituent, à l’heure actuel, le meilleur atout dont dispose AQMI.

Sneiba Mohamed

 

 

 

 

 

 

Publié dans Internationales

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